Grotte de la Cabane
Situation : Saint Paul des Fonts (12) Durée : 5 à 6 h
Développé : 8 600 m Altitude : 685 m
Profondeur : 71 m Difficultés : vires, P5, étroitures
La grotte de la Cabane est une rivière souterraine connue depuis le XVII ème siècle puisque son exutoire fut longuement exploitée en cave à fromage. A son approche, dèjà le porche d'entrée surprend par sa section. Puis les vestiges bâtis de la cave plongent très rapidement le visiteur dans la mémoire du temps. Bien que ponctuellement détériorés par la force des éléments, les vestiges demeurent parfaitement conservés et témoignent des travaux d'ampleur qui se sont déroulés jadis.
Au delà, c'est une très vaste galerie qui s'ouvre, creusée par le ruisseau d'Aubeygues, une source susceptible de devenir un violent torrent en période de fortes pluies. Le cheminement y est majoritairement aisé mais se veut tout de même agrémenté de plusieurs passages techniques. Contournements sur vires, descente et remontée sur corde d'un P8 au dessus d'un lac souterrain, pas d'escalade faciles permettent de poursuivre la progression jusqu'au siphon terminal niché dans une couche géologique de manganèse àl'étonnant noir absolu. Au gré de la visite on appréciera les salles d'effondrement monumentales opposant à l'objectif des volumes gigantesques, la succession de lacs au bleuté limpide nichés dans les surcreusement du lit, le bruit de l'eau coulant à flot sur les rochers, les varaitions themiques de courants d'air surprenants ainsi que quelques petites concrétions bien masquées qu'il faut savoir dénicher.
Bien que s'agissant d'une grande classique, il faut s'attendre à une exploration sportive dans le froid et l'humidité des heures durant. C'est effectivement ce que nous avons rencontré avec Thad, un ami spéléologue montpelliérain qui connait très bien cette galerie, en progressant dans une eau glaciale juqu'aux hanches plus de la moitié du parcours faute d'un niveau d'eau déjà bien elevé sur un mois de décembre. Un grand merci à lui pour m'avoir fait découvrir cette magnifique rivière souterraine.
Toute visite familiale sans accompagnements ni équipement est vivement déconseillée.
La visite du 22/12/2016, en images :
Fiche cavité
Localisation
Deux solutions peuvent s'envisager pour regagner l'entrée de la Grotte des la Cabane.
- Du village de Saint Paul des Fonts, après s'être garé sur le parking du cimetière, suivre la route plein Nord qui rejoint le Ravin d'Aubaygue que l'on franchit par un petit pont. A noter que ce ruisseau provient de la grotte. Monter le chemin assez raide en suivant le balisage du GR 71C. Il est possible de monter jusqu'à ce point en véhicule. Toutefois, nous ne le recommandons pas. Arrivé au niveau des derniers champs, prendre à droite un sentier qui longe quelques temps le GR, peu avant la première épingle. Ce dernier se dirige vers les falaises situées au Nord du cirque d'Aubaygue. Au pied de ces dernières on aperçoit le porche bâti de la rivière souterraine. Compter environ 25 à 30 min pour trouver l'entrée.
- Du village du Viala de Pas de Jaux, prendre la route du Mas Baldit - La Fage. À partir de Mas Baldit, rouler encore 700 m et se garer au départ du second chemin à droite où passe le sentier de GR 71C. Suivre à pied le GR qui descend dans le cirque d'Aubaygue jusqu'à la dernière épingle où l'on prend, sur la gauche, le petit sentier cité ci-dessus qui mène à l'entrée de la grotte. Compter environ 15 à 20 min pour accéder à l'entrée.
La visite de la cavité dure en moyenne 4h à 5h selon le rythme de progression du groupe.
Equipement
Pour la visite, se prémunir d'une frontale avec batterie de secours, de matériel de descente et de remontée sur corde, mde atériel de progression (passage de vires), d'une corde statique de 25m pour le P8, de bottes et d'une combinaison.
Quelques informations sur l'équipement en place :
- Vire 1 : corde 50 m en fixe, neuve- Vire 2 : corde 40 m en fixe, neuve
- P8 : corde 25 m en fixe, très mauvais état, broches fixes
- Vire 3 : corde 20 m en fixe avec pédales, bon état
- Amarrages : 30 mousquetons (broches) + 5 AN
Attention : Le descriptif d'état des équipements fixes ne se réfère qu'à la date de notre visite du 22/12/2016. Au regard de la fréquentation de la cavité, il reste évolutif dans le temps.
Topographie
L'entrée d
Grotte à éviter par temps de pluie car susceptible de se mettre en charge très rapidement.
Son vaste porche s'ouvre au-dessus d'une petite source alimentant le ravin d'Aubaygue.
En période de pluies, l'entrée servant de trop plein crache un torrent furieux.
Après la partie aménagée en cave à fromages, on progresse facilement jusqu'à 450 m de l'entrée où l'on rejoint la perte du ruisseau. En progressant vers l'amont, on arrive à un premier lac que l'on franchit par des vires à gauche ( mains courantes équipées). Puis un 2e lac se termine par une grande barrière de calcite avec une lucarne en plafond suivie d'une vire et d'un P5 équipés. On franchit un dernier lac grâce à des mains courantes à D. On atteint rapidement une grande galerie puis des salles d'effondrement dans lesquelles on remonte d'une quarantaine de m de dénivelé (suivre les
cairns). Du point haut, une descente raide sur l'énorme chaos de bloc permet de rejoindre une belle galerie où coule la rivière. On remonte le cours d'eau dans un conduit de grandes dimensions et après une petite escalade, on arrive au siphon à 1500 m de l'entrée.
Retour par le même itinéraire.
NB : une traversée est à priori possible en prenant la galerie de la Grotte du Pas d'Estrech ( que nous n'avons pas exploré).
Depuis l'entrée inférieur bâtie, on progresse pendant environ 80 mètres sous une voûte maçonnée au-dessus de laquelle se trouve une impressionnante enfilade de salles bâties formant l'ancienne cave à fromages.
Après la partie aménagée, la galerie généralement sèche se prolonge dans des dimension 5m x 6m.
Peu après une voûte basse où se trouvent soit des flaques, soit un lac, on arrive à 440 mètres de l'entrée à la rivière qui se perd dans un méandre sympathique à parcourir sur quelques dizaines de mètres.
Dans la galerie principale, on remonte la rivière jusqu'à un petit lac qu'on traverse par la droite pour arriver peu après sur le début des vrai lacs que l'on franchit en vire.
A 580 mètres de l'entrée, on arrive à un puits d'environ 8 mètres qu'il faut équiper.
Un peu plus loin, un denier lac se franchit par une vire équipée en fixe, en paroi droite.
On parcours alors d'immenses galeries chaotiques.
A 830 mètres de l'entrée, on arrive à un carrefour au pied d'un énorme éboulis d'environ 40 mètres de haut.
A gauche arrive la galerie venant de la grotte du Pas Destrech.
Au sommet du chaos et derrière une barrière de blocs, on accède à une dernière salle au bout de laquelle on redescend par un vaste éboulis sur la rivière à environ 1 km de l'entrée.
La rivière (5m x 8m) se remonte sans difficultés jusqu'à un dédoublement de la galerie.
A gauche la rivière coule dans une galerie très basse.
Prendre à droite le passage hors d'eau.
Après une coulée de calcite orangée, le plafond s'abaisse brusquement à l'approche du siphon.
Pour y accéder il faut effectuer une escalade dans la diaclase principale pour accéder à un lac de 10 mètres de long pour 3 mètres de profondeur constituant la vasque du S1 à 1513 mètres de l'entrée.
Historique
Malgré la connaissance de cette cavité depuis le XVIIème siècle, ce n'est qu'en 1930 qu'une première exploration spéléologique fut menée sur 530 mètres par F. Pouget. Plus tard, en 1947, 300 nouveaux mètres de galeries latérales furent dévoilés par une équipe diligentée par Jacques Rouire.
Il faudra attendre l'été 1983 pour que les deux siphons terminaux soient plongés par le CPLA mené par Claude Jordan. Ce sont alors 2 km de galeries exondées supplémentaires qui sont découverts.
La même année, à l'automne, le spéléo club des Causses réalise une désobstruction dans le grand affluent qui, après 200m de nouvelles galeries, délivre enfin la jonction avec la Grotte voisine du Pas de l'Estrech.
Bibliographie
- SCC : 1984 " La grotte de la Cabane de Saint Paul des Fonts" EXPLORATION CAUSSENARDE ou Exploration sous les Causses, 6p.
- « L’épopée des caves bâtardes » publié par Maurice Labbé en collaboration avec Jean-Pierre Serres, Auto édition limité JP. Serres 1999
Le Bonus
Un travail remarquable de recherches réalisé par Maurice Labbé et Jean-Pierre Serres sur l'historique de la cave à fromage qui occupe la grotte de Saint Paul des Fonts est intéressant à partager.
Il apparait que cette cave "bâtarde", c'est à dire une cave ayant servi à affiner du fromage de Roquefort mais située en dehors de la commune de Roquefort, a probablement été construite entre le fin du XVI éme et le début du XVII ème siècle. Sa construction fut un travail gigantesque afin de mettre la cave à l'abri de la fureur des eaux. En effet, il a fallu bâtir une voûte de près de 90m de longueur mettant à profit la très grande hauteur de plafond naturelle de la cavité
Afin de mettre la cave à l'abri de la fureur des eaux, un travail gigantesque fut accompli. Mettant à profit la très grande hauteur du plafond, une voûte de prés de 90 mètres de long fut construite, et la cave établie au-dessus.
Nous ne manquons pas de références concernant cette cave, grâce à nos recherches personnelles, mais également aux notes aimablement communiquées Mme Geneviève Durand et M.Miquel qui ont dépouillé les archives de Malte et en particulier exploité les « compte rendus de visites ». Vu sa situation la cave a du être rattachée à la ferme de la Vialette.
1620 : Un acte indique… « d’abord on nous a dit que les caves dites de la Teulière (synonyme : La Cabane) et de Labeil situées au dit Saint-Paul ou l’on prépare le fromage à la façon de Roquefort relevaient de la directe de ladite commanderie…sous la censive de trois quintaux fromage »
1688 : Caves de Landric, la Teulieyre et Labeil. Fromage à façon de Roquefort. Inféodées au chevalier de Laumière.
1696 : Caves de Saint-Paul appelées Landric, La Taulière et Labeil, où l'on prépare le fromage à la façon de Roquefort, elles furent par permission de la langue de Provence inféodées au chevalier de Laumière qui les a lui-même inféodées à noble Paul de Soulages, seigneur de Roubail, par acte du 27 août 1680 (Carbonnel notaire à Toulouse) sous la cense de 3 quintaux de fromage et 100 livres d'argent par an : le fromage pour le commandeur, les 100 livres au chevalier de Laumière, à sa mort les 100 livres remises à la commanderie.
1697, 5 novembre : Messire Marc Antoine de Morlhon résidant à la cave de St. Paul des Fonts dicte un codicile : il lègue à son neveu messire François de Morlhon sieur de Laumière tout ce qu’il peu lui devoir, capital et intérêts ; Témoins Paul et Pierre Guy des Canabiéres (cité par Albert Carriére).
1708 : Saint-Paul des Fonts.
Caves de Landric, La Tuillière et Labeil, on y prépare le fromage à la manière de Roquefort. La dame de Nonenque a inféodé a des particuliers une cave appelée de Landric, proche celle de Saint-Paul appartenant à lad. commanderie de Sainte-Eulalie et construite dans le fond d'icelle, et au dessous du susd, préjudice à l'ordre, lad. cave a été construite dans le fonds de lad. commanderie sans permission ni payer aucune ferme, donc instance devant le sénéchal de Villefranche.
1743 : Saint-Paul. 2 caves La Tuilière et Labeil servant à apprêter le fromage affermées à Jean Caylet bourgeois du Mas Baldy.
1754 : Saint-Paul.
Le commandeur a deux caves La Tuillière et Label pour apprêter le fromage. La Tuillière fut totalement dévastée par une irruption d'eau qui creva la voûte de lad cave en plusieurs endroits, emporta une grande terrasse qui soutenait un emplacement au devant lad cave et ruina entièrement le chemin qui y conduit.
La cave de Label est impraticable et impropre à apprêter les fromages.
1760 : L'un des premiers écrits publiés en notre possession est de Marcorelles en 1760. Il indique en parlant de la cave de Cotte Rouge: « on y fait par an près de 500 quintaux de fromage (25 tonnes, soit environ 10.000 fromages, NW A). Elle a remplacé les caves de Saint Paul, détruites peu de temps auparavant par des ravines d'eau ».
Visite de 1761 : page 23…mais la cave de la Teullière ayant été entièrement dévastée en 1749 par une irruption d’eau qui creva la voûte de ladite cave en plusieurs endroits, emporta une grande terrasse qui soutenait un emplacement au devant ladite cave et ruina entièrement le chemin qui conduisait, le sieur Jean Caylet, dernier possesseur de ladite cave fit assigner le Vénérable bailli aux requêtes pour voir recevoir le déguerpissement ou après plusieurs contestations il fut et s’est obligé de l’accepter par un expédient homologué en le condamnant aux dépens.
1762 : Saint-Paul des Fonts
Deux caves à fromage appelées La Tuilerie, l'autre Label. Celle de La Tuilerie détruite par une inondation qui démolit la voûte, détruisit une grande terrasse devant lad. cave, et emporta le chemin donc déguerpissement. Cave de label aussi détruite par une inondation.
1772 : deux caves La Teulière et Labeil, déguerpies.
1795 : Il est à nouveau fait état de cette cave le 13 juin 1795 (Biens Nationaux Verlaguet p. 651.) "Baldouy Guillaume, Prieur Curé des Rives, émigré (...)une cave propre à préparer le fromage, située sous les rochers, dits Balses de Saint-Paul et un travers au dessus de la dite cave, contenant 3 set 1/5 avec le chemin conduisant à la dite cave, pratiqué en dessous du rocher appelé La Tuilière(...) estimés 3.300 L adjugés à David Sarrus fils de l'aîné, de Saint Affrique, pour lui et Jean-François Peyre, Commissaire National, Louis Grand, François Crébassa, Jacques-Pierre Vales fils, Pierre Grand du Couvent, Mathieu Teissié Cadet, tous de Saint Affrique : 28.400 livres".
Suivent d'autres lots pour les mêmes. Cette vente à David Sarrus est, s'il en était besoin, confirmée par un article paru dans le journal de l'Aveyron du 13 février 1833 : « A vendre ou a affermer, une cave à fromage, située à Saint-Paul-des-Fonts, avec tous ses accessoires ; plus un champ, un jardin, un bois et un devois ; le tout appartenant par indivis à M Pierre Grand négociant à St. Affrique, et la succession vacante de M. David Sarrus. S'adresser, pour les conditions, à M. Pierre Grand ou a M. Daure, Avocat à St-Affrique ».
Après la destruction des années 1750, si la cave était affermée, c'est donc qu'elle fut par la suite reconstruite, sans doute dans la configuration actuelle, c'est à dire une construction ménageant une circulation d'eau en partie inférieure.
environ 1800 :
Nous savons que la cave était louée par Laumière frères de Roquefort ! pour 1000 livres.
Nous n'avons pas d'indications sur une exploitation en fin du siècle dernier. En 1906, Marre dans son célèbre ouvrage sur Roquefort la mentionne dans les caves inexploitées.
Cette cave, actuellement propriété indivise entre deux frères et une sœur mériterait d’être restaurée et sauvegardée.