Caunha Sant ou Grotte des Mitounes/Mythonnes
Situation : Fourtou Durée : 1h AR
Développé : 165 m Altitude : 624 m
Profondeur : 10 m Difficultés : aucunes sauf si présence d'eau
C'est à fin d'échapper à la canicule de l'été 2018 que nous décidons de rallier l'ilot de verdure aux cascasdes salvatrices déniché dans les environs de Fourtou quelques mois au préalable. Et bien évidemment ce petit coin secret regorge de jolies cavités. Penchons nous ce jour sur la Caunha Sant, une grotte très similaire à celle du Parégot, et qui ne se visite pas pour contempler concrétions ou autres beautés souterraines. En effet, seule la géologie et l'hydrologie du secteur parleront au connaisseur.
Le bruit engendré par l'écoulement du ruisseau intérieur, malgré un faible débit d'étiage, laisse d'entrée imaginer la puissance des écoulements qui ont bâti cette cavité.
De même, la géométrie des boyaux est très significative d'un actif important. Des formes courbes spectaculaires témoignent de l'arrachage de fines particules de roche au fil du temps, mêlant l'ocre au beige du calcaire tel un tableau d'artiste, de quoi ravir le photographe passionné.
Bien évidemment, on bute rapidement sur le siphon annoncé qui se veut très étroit et aussi turbide que celui du Parégot, sinon plus. Toutefois, en cette période de sécheresse saisonnière, nous avons pu emprunter les deux conduits parallèles d'entrée totalement asséchés et dont un se veut bien ludique.
Une petite visite au coeur d'un système hydraulique complexe qui apporte la fraicheur et le plaisir recherchés. A noter que nous n'avions pu explorer cette galerie lors d'une première visite en avril 2018 en raison du fort débit qui s'échappait de son exutoire.
La visite du 15/08/2018, en images :
Fiche cavité
Localisation
La Grotte de la Caunha Sant, encore dénommée grotte des Mitounes ou grotte des Mythonnes ou grotte des Sorcières, se situe à proximité du réseau du Parégot et de ses cavités annexes (P1 à P13) sur la commune de Fourtou (Hautes Corbières, Aude), au lieu-dit ' Le Parégot', dans un cirque rocheux entourant deux cascades. On y accède par des routes très tortueuses mais uniques, depuis Fourtou (D 74 ) ou depuis le Pont d'Orbieu ( D 212). Sur ces routes sinueuses, prudence face aux locaux habitués qui se pensent seuls et usent de vitesses élevées.
La grotte de la Caunha Sant se trouve entre les cascades du Parégot et la grande cascade du ruisseau de la Tour, au pied de la paroi. Elle est pointée sur carte IGN.
Il est possible de stationner en bordure de la RD74, peu après les ruines du Moulin du Parégot, contre l'ouvrage de soutènement de la chaussée. Une petite place pour un seul véhicule est visible sur l'accotement mais attention, le vide borde cette place.
Pour accéder à la grotte depuis la place de parking, il font suivre la route en direction de Savignan sur environ 50 m et descendre sur la droite le talus très raide par un sentier qui mène à la cascade. A ce niveau, il faut traverser le plan d'eau de cette dernière sur des dalles calcaires glissantes et limoneuses situé juste au dessus du seuil de chute d'une seconde cascade. Un petit sentier raide et tout aussi humide et glissant remonte en face vers l'orifice de la galerie située dans la falaise une trentaine de mètres plus loin.
Frontale et casque en période d'étiage, toutefois hors de cette période, il est préférables de se munir de bottes pour traverser le plan d'eau situé sur le chemin d'accès comme pour la visiter la galerie souvent aqueuse.
Pour passer le siphon, une pompe d'au moins 60l/s est à déployer afin de l'assécher. En effet, la plongée n'y est pas possible, le conduit étant trop étroit et trop boueux.
Topographie
La grotte de Caunha Sant débute par une belle entrée en conduite forcée au sol couvert de vieux gours. Elle se dédouble 18 mètres plus loin en 2 conduits parallèles :- celui de droite, à préférer, se dirige vers la paroi de la falaise en dénivelant de +5m (petits redans faciles à passer) ;
- celui de gauche double le conduit d'entrée qu'il rejoint 12 m plus loin, à éviter car il s'agit d'un boyau étroit, sensiblement siphonneux et donc souvent aquatique.
Au-delà du siphon, on retrouve des galeries plus spacieuses et actives dans un méandre étroit, présentant un développé cumulé de 70 m. La galerie principale est remontante et s'achève 30 mètres plus loin sur un colmatage sableux à + 9 m. Le ruisseau provient d'un étroit méandre sur la gauche, se dirigeant vers le S sur 20 mètres avant de boucler et de revenir vers le N où le passage devient trop étroit.
Des conduits supérieurs sont accessibles de ce point et rejoignent la galerie principale un peu avant le fond.
Hypothèses hydrospéléologiques :
Toutes les observations semblent montrer que le Parégot constitue la sortie des eaux d'une partie du synclinal de Sougraigne ; les deux grottes "importantes" répertoriées (Caunha Sant et grotte du Parégot) étant les branches d'un "delta" souterrain.
Des investigations plus poussées permettraient certainement de prolonger ces cavités et peut-être de les relier pour en faire un système de plusieurs centaines de mètres de développement, au prix de beaucoup de travail.
Historique
Rappelons que G. Sicard a fait figurer la Caunha Sant dans son ouvrage de 1897, sans qu'on sache s'il a personnellement visité cette cavité.
Le 20 septembre 1911, le célèbre biospéléologue R. Jeannel s'y est intéressé et a dû y rencontrer des dolichopodes.
Elle a certainement été explorée par la suite et, en tout cas, le Spéléo Club de l'Aude la revoit en 1976 et H. Salvayre la mentionne en 1977.
Des symboles divers (dont des croix gammées ou svastikas) peints en rouge à l'entrée attestent peut-être la visite occasionnelle de chercheurs de trésors cathares...
Malgré une légende relatant une exploration de galerie qui ressortiraient au jour à la Tour de Gourgoly (située 500 m plus au S), la cavité s'arrête bien sur un infâme siphon.
En 1985, C. BES, alors au S.C.A ., entreprend d'étudier ce secteur de plus près. Il redécouvre l'entrée de la source du Parégot avec T. BONNEL et la visite jusqu'au siphon.
En 1987, les topos de la Caunha Sant et du Parégot sont levées.
En 1988, le plus souvent seul, C.BES explore et topographie la série des P1 à 10, cavités insignifiantes, sauf le P 8 ou Grotte Masquée, de 50 mètres de long, présentant de belles formes de galeries.
En 1989, le Spéléo Corbières Minervois prend le relais notamment à la Grotte du Parégot (cf historique dans le descriptif fait sur la grotte du Parégot)
Le site du parégot a été fortement humanisé et exploité jusqu'à il y a quelques décennies. En plus de la ferme du Parégot, un moulin fonctionnait en dessous de la cascade, utilisant occasionnellement la source du Parégot.
La grotte du Parégot, aujourd'hui complètement oubliée, était tout à fait connue puisqu'à la fin du XIXème siècle.
La Caunha Sant ou grotte des Mitounes, au contraire de la précédente, est restée dans les mémoires. Elle est citée en 1897 par Germain Sicard qui l'appelle "grotte des Sorcières ou des Mythonnes". Ouverte dans un calcaire à caprinules (cénomarien), on y accède par une série de gradins naturels. Sa voûte est assez élevée et la profondeur de la caverne est estimée à 200 mètres. Elle ne paraît pas avoir été fouillée.
Bibliographie
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BES C. 1991 - Le Synclinal de Sougraigne, Réseau des Tourtes - Lo Bramavenc ( bull. du Spéléo Club de l'Aude) n° 12 p 5-45, 64-68, 78-86
- BES C. et TOSATTO S. 1995 - Les cavités du Parégot - Spéléo-Aude ( bull du C.D.S.Aude) n° 4, p 30-43
- GRATICOS I. 1992 - Femmes Pyrénéennes - ED. Privet. Toulouse
- JEANNEL R. et RACOVITZA E.G. 1912 - Enumération des grottes visitées 1901-1911 - biospéléogica, XXIV. Arch. ZOOL. Exp, Gén. 9, 633
- KUHFUSS A. 1981 - Géologie et hydrologie des Corbières méridionales, région de Bugarach, Rouffiac-des-Corbières - Thèse 3èmè cycle, Université Paul Sabatier, Toulouse, 307 p
- SALVAYRE H. 1977, Spéléo et Hydrologie des massifs calcaires de P-O Conflent p 91
- SICARD G 1897 - Essai sur la spéléo de l'Aude Bull. Soc. Etudes Scientifiques Aude tomme VIII p 17.
Remarques
Il est intéressant de dire quelques mots sur ces " Fées Mitounes" nommant cette cavité qui sont des êtres surnaturels des Corbières, soit un type de sorcières mythologiques, que l'on évoque en de nombreux villages (Missègre, Montjoi, Rouvenac,...) et que l'on peut rapprocher de la '"Salimonde de Lastours" (en Montagne Noire) et des "Encantadas", "Fadas"; "Hadas", "Laminaks" et autres "Agostinas" présentes en de nombreux endroits du département de l'Aude et toujours associées à des points d'eau.
La particularité des "Mitounes" est d'habiter des grottes ou des endroits ténébreux, comme les "Salimondes" et les "hadas" du Comminges et du Couserans ou les "Laminaks" du Pays Basque. Attachées à l'eau et au blanc, symboles hautement féminins, elles sont peut-être la réminiscence d'êtres chtoniens, souvenirs d'anciennes populations ayant trouvé refuge dans ces lieux lors de périodes incertaines de la Préhistoire, vraisemblablement au Néolithique (d'après I. Gratacos ).
De nombreux récits les concernant existent et elles mériteraient une étude spécifique. Le récit le plus courant et certainement le plus crédible parle de fées lavandières qui sortaient la nuit pour voler de la nourriture, voler du linge ou laver le leur avec des battoirs d'or dans des lacs ou ruisseaux voisins de leurs tavernes. De mauvaise réputation, elles étaient estimées voleuses et sorcières car terrifiantes d'aspect. Certains disaient même qu'elles pouvaient avoir deux têtes et enlevaient des enfants pour les sacrifier ensuite ou les transformer en leur semblables. Il semblerait que ces légendes se rapportent en réalité à la présence de lépreux dans les secteurs où elles étaient contées. Des gens souvent rejetés pour leur maladie contagieuse qui, chassés des villages, fuyaient et se refugiaient dans des grottes d'où ils ne sortaient que la nuit pour voler du linge ou des volailles en effrayant, de leur physique ravagé, les promeneurs éventuels.